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Le processus de financement auprès d'une société de capital de risque

Janvier 2008

INTRODUCTION

 

Dans le développement normal d’une entreprise, il vient un moment où les dirigeants doivent considérer les divers modes de financement possibles afin d’accélérer leur croissance. L’un de ces modes de financement est celui offert par les sociétés de capital de risque. Au Québec seulement, les investissements en capital de risque ont dépassé les 600 millions de dollars pour l’année 2006.[1] Cela démontre bien l’importance de cette industrie pour le développement des entreprises québécoises.

 

Au Québec, on connaît plusieurs sociétés de capital de risque telles que le Fonds de solidarité FTQ, Fondaction CSN, Desjardins Capital de risque, BDC, Novacap et bien d’autres. Ces sociétés se distinguent des banques sur de nombreux aspects. Mais mentionnons seulement que leurs produits financiers prennent généralement la forme d’équité ou de quasi-équité sans garantie (actions, débenture, options de souscription, dette subordonnée) et que le rendement recherché par ces sociétés est plus élevé que celui des banques traditionnelles en raison du risque plus élevé que présentent leurs outils financiers.

 

Cet article traite sommairement du processus auquel une entreprise doit habituellement faire face dans le cadre d’une financement offert par une société de capital de risque au Québec.

 

  • 1.       RECHERCHE DE FINANCEMENT

Une entreprise peut trouver un financement de type capital-risque de plusieurs manières :

  • - elle peut être sollicitée par la société de capital de risque ;
  • - elle peut elle-même approcher une société de capital de risque ;
  • - elle peut retenir les services d’un intermédiaire spécialisé en financement.

Mais peut importe de quelle façon le contact s’est fait, il est important que l'entreprise soit bien préparée afin de démontrer à la société de capital de risque que ladite entreprise présente un fort potentiel de croissance. Pour cela, il est important, voire essentiel, d’avoir en mains les outils suivants :

  • - un plan d’affaires de qualité ;
  • - des prévisions financières réalistes (et surtout pas trop optimistes) ;
  • - des états financiers historiques des 3 dernières années (et il vaudrait mieux qu’ils présentent un bon historique de profits, sauf bien sûr pour les sociétés en démarrage ou en phase de R&D) ;
  • - la présentation d’une équipe de direction compétente ;
  • - des données sur le marché visé par l’entreprise.

Si ces documents sont cruciaux, il ne faut pas non plus négliger le contact avec la société de capital de risque. En fait, la personne qui transmettra ces informations à la société de capital de risque doit pouvoir gagner la confiance des représentants de la société de capital de risque et le fait d’avoir un solide vice-président finance (CFO) au sein de votre équipe peut aider grandement. Sinon, il peut être utile de retenir les services d’un intermédiaire (banquier d’affaires) qui connaît bien les exigences des sociétés de capital de risque et qui saura vous guider.

 

  • 2.       L’ENTENTE DE CONFIDENTIALITÉ

Compte tenu de toute l’information sensible que vous devrez transmettre à la société de capital de risque (états financiers, prévisions, plan de commercialisation…), il serait sage d’exiger la signature par la société de capital de risque d’une entente de confidentialité. Cette entente prévoit que les informations transmises par l’entreprise doivent demeurer confidentielles et ne se retrouvera donc pas par exemple entre les mains de son concurrent.

 


  • 3.       ÉCHANGE D’INFORMATION

Une fois l’entente de confidentialité signée, l’entrepreneur va transmettre à la société de capital de risque les informations requises qui se résument essentiellement à ce que mentionné plus haut (plan d’affaires, prévisions financières, états financiers historiques…). À ce stade, deux règles doivent être respectées :

    • ·        transmettre des informations qui sont toujours rigoureusement exactes ;
    • ·         ne pas transmettre des prévisions financières trop optimistes.

Le non respect de ces règles peut avoir pour conséquence de vous faire perdre définitivement la confiance de l’analyste qui reçoit l’information.

 

4.       La lettre d’ intention

 

Il se peut que la société de capital de risque vous propose de vous remettre une lettre d’intention (ou lettre d’intérêt) par laquelle elle confirme son intention de vous soumettre éventuellement une offre d’investissement. Cette lettre n’a généralement pas de réelle portée juridique de la part de la société en ce que cette dernière ne s’engage à rien d’autre qu’à étudier votre demande d’investissement. Cette lettre peut aussi vous être utile par exemple pour démontrer à vos banquiers les démarches entreprises en vue d’obtenir un investissement en équité et ainsi négocier en parallèle de nouveaux crédits bancaires avec eux.

 

Par contre, on pourra alors vous demander de contresigner cette lettre puisqu’elle prévoira souvent que l’entreprise s’engage à ne pas négocier avec une autre société le financement demandé et ce, pour une période donnée. Libre à vous d’accepter cet engagement qui est souvent assorti d’une pénalité en cas de non respect. Mais certaines sociétés de capital de risque pourraient refuser de poursuivre les discussions si cette lettre n’est pas contresignée.

 

  • 5.       LA LETTRE D'OFFRE

L’étude de l’information terminée, la société de capital de risque pourra à ce stade refuser votre demande, ou au contraire vous soumettre une offre de financement. Dans ce dernier cas, deux offres sont alors possibles :

  • - l’offre conditionnelle aux instances décisionnelles;
  • - l’offre déjà approuvée par les instances décisionnelles.

En effet, certaines sociétés de capital de risque attendront d’avoir fait approuver votre dossier par leur comité décisionnel avant de vous soumettre une offre alors que d’autres attendront d’avoir une entente signée avec votre entreprise avant de soumettre le dossier d’investissement à leur comité décisionnel.

Dans les deux cas, ces offres seront normalement assujetties à certaines conditions telles que les suivantes, non limitativement :

  • - la réalisation d’une revue diligente des affaires de l’entreprise (« due diligence ») ;
  • - la signature d’une convention unanime entre les actionnaires de l'entreprise selon des termes à la satisfaction de la société de capital de risque ;
  • - le paiement de frais de réalisation de transaction (souvent appelés « frais d’engagement ») et qui représentent souvent entre 1 et 3 % du montant de l’investissement.

Plusieurs autres conditions dites préalables pourront s’ajouter selon le contexte. Par exemple, si la société de capital estime que la marge bancaire d’opération de l’entreprise est insuffisante pour soutenir la croissance prévue, elle peut exiger que l’entreprise obtienne une augmentation de sa marge avant de faire le déboursement de son investissement. On pourra aussi exiger la signature de contrats d’emploi par les principaux dirigeants de l'entreprise.

La lettre d’offre sera souvent accompagnée d’annexes qui pourront par exemple résumer les principales clauses d’ordre juridique qui viendront encadrer la relation entre l’entreprise et la société de capital de risque. Il est évidemment essentiel d’être conseillé par un avocat spécialiste dans ce genre de financement avant de signer l’offre en question.

 

  • 6.       LA REVUE DILIGENTE

Débute alors le processus de revue diligente. Cette étape consiste pour la société de capital de risque en une étude approfondie des affaires de l'entreprise. Par exemple, la société de capital de risque vérifiera ce qui suit :

  • - la valeur des ententes signées avec les principaux client de l'entreprise ;
  • - les termes et conditions des crédits bancaires de l’entreprises ;
  • - les systèmes comptables 
  • - les poursuites judiciaires contre l’entreprise ;
  • - la protection de la propriété intellectuelle de l’entreprise ;
  • - les contrats d’emploi des principaux employés de l’entreprise ;
  • - la couverture d’assurance de l’entreprise ;

Encore une fois, il est utile de rappeler que l’entreprise doit être extrêmement rigoureuse dans la transmission d’une information exacte puisque c’est sur la foi de cette information que la société de capital de risque réalisera ou non son investissement. D’ailleurs, la société de capital de risque exigera généralement la signature d’un formulaire de « Représentations et Garanties » par le principal dirigeant de l’entreprise. Ce formulaire sert à garantir à la société de capital de risque que toutes les informations transmises par l’entreprise sont exactes. En cas d’omissions ou d’informations inexactes sur un aspect important, des recours en justice pourraient être entrepris par la société de capital de risque.

 

  • 7.       LA CLÔTURE DE LA TRANSACTION

Si la revue diligente est positive, vient alors le temps de préparer les documents de clôture de la transaction (souvent appelé communément « le closing »). À cette étape, les principaux acteurs seront les conseillers juridiques et l’expérience de votre conseiller juridique dans ce type de transaction est essentielle.

Selon le type d’investissement choisi par les parties, les documents varieront. Parmi les documents possibles, mentionnons-en quelques uns :

  • - la convention de souscription ;
  • - la convention unanime entre actionnaires ;
  • - la débenture ;
  • - la convention d’options de souscription.
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Il faut garder en mémoire que les représentants des sociétés de capital de risque ont une certaine marge de manœuvre pour négocier ces documents malgré qu’ils vous diront généralement le contraire. Mais tout est une question de doigté et de stratégie de négociation. Il faut éviter d’amener la société de capital de risque à rompre les négociations faute d’une entente satisfaisante.

 

Cette étape se déroule parfois sans problème mais fréquemment, elle peut s'avérer longue et pénible lorsque l’on est mal préparé ou mal conseillé. Il faut donc se fixer des objectifs clairs et établir une stratégie de négociation efficace.

 

CONCLUSION

 

Le financement offert par les sociétés de capital de risque peut être très utile pour assurer une croissance plus rapide d’une entreprise. Par contre, le processus est relativement long et complexe et surtout truffé de pièges pour l'entrepreneur mal préparé. On peut compter plusieurs mois entre la première rencontre avec le représentant de la société de capital de risque et la clôture de la transaction. Une bonne préparation peut permettre de réduire considérablement ces délais et même faire la différence entre un refus et une offre d’investissement.

C’est pourquoi il est important d’être bien accompagné tout au long de ce processus par des conseillers compétents qui sauront vous faire éviter les pièges dans lesquels une entreprise mal conseillée tombera inévitablement.

(Nos experts peuvent vous accompagner si vous désirez obtenir du financement d'une société de capital de risque canadienne ou étrangère, puisqu'ils ont tous oeuvré auparavant au sein de grandes sociétés de capital de risque.)

http://www.reseaucapital.com/Statistiques/Stat2006/2006_Q4_QC_VC_Communique_f.pd

François St-Arnaud © 2008

François St-Arnaud, avocat
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