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La clause earn-out dans un contrat de vente d'entreprise

Par Me François St-Arnaud, avocat

Octobre 2008

 

Dans le cadre d’une vente d’entreprise, les négociations entre l’acheteur et le vendeur deviennent souvent plus difficiles lorsqu’arrive le moment pour les parties de s’entendre sur le prix de vente.  L’acheteur se voudra prudent et prendra une approche conservatrice quant à la capacité de l’entreprise de générer des profits tandis que le vendeur se veut alors plus positif et pourra parfois surestimer les revenus futurs de l’entreprise. Or, on le sait, c'est justement la capacité d’une entreprise à générer des profits qui détermine en principe sa valeur.

 

Devant une telle impasse, les parties choisiront souvent d’ajouter une clause d’ajustement du prix de vente en fonction des profits futurs. On appelle cette clause : la clause « earn-out ».

 

Définition

La clause earn-out est une entente en vertu de laquelle les parties conviennent d’ajuster le prix de vente d’une entreprise, généralement à la hausse, advenant l’atteinte d’objectifs prédéterminés. En d’autres termes, l'acheteur acceptera de remettre au vendeur un montant additionnel, si l'entreprise atteint certains objectifs que les parties ont fixés ensemble dans un délai prév.

 

Utilité

 

Cette clause permet donc de rapprocher des parties qui n’arrivent pas à s'entendre sur un prix de vente. Ainsi, le vendeur peut espérer recevoir le prix désiré si les résultats de ll'entreprise sont au rendez-vous. L’acheteur, quant à lui, se rassure en se disant qu’il n’aura pas payé trop cher advenant que l'entreprise ne soit pas aussi profitable que prévu.

 

Conditions

 

Il n’existe pas de règles précises selon lesquelles une telle clause doit être rédigée et elle peut donc prendre diverses formes différentes selon le contexte. Les conditions de cette clause seront le résultat de la négociation entre les parties. Mais afin de mieux illustrer le fonctionnement de cette clause, on peut donner un exemple (simplifié à l’extrême)1 :

L’acheteur « A » accepte d’acquérir du vendeur « V » toutes les actions de l'entreprise « E » au prix de 1,000,000 $ payable comme suit :

-     750,000 $ payable au moment de la clôture de la transaction;

-     Le solde de 250,000 $ sera payable par A dans 2 ans, à la condition que les états financiers annuels de l’entreprise « E » démontrent alors un bénéfice avant impôts, intérêts et amortissements de  200,000 $. Si cet objectif n’est pas atteint, le solde de 250,000 $ n'est pas payable.

 

Les pièges

 

Le principe, on le voit, est très simple en soit. Par contre, la rédaction d'une telle clause comporte des pièges à éviter. On peut en nommer un nombre important, mais pour les fins du présent article, mentionnons seulement les suivants :

-     Éviter que l’acheteur manipule les chiffres : Il faut s’assurer que le défaut d'atteindre l’objectif en question n’est pas le résultat du fait de l’acheteur. En effet, l’acheteur pourrait poser certains gestes délibérément afin d’éviter d'atteindre les objectifs fixés (par exemple en ajoutant temporairement des dépenses non justifiées afin de réduire les bénéfices de l’entreprise).

-     Attention aux concepts vagues : Il faut s’assurer que les objectifs soient très clairs afin d’éviter une guerre d’interprétation. Il peut être nécessaire de s’entendre à l'avance sur certaines normes comptables et sur l’inclusion ou l’exclusion de certains évènements extraordinaires.

-     Détermination par un tiers indépendant et compétent : Il faut que la détermination de l’atteinte des objectifs soit faite par une tierce partie indépendante (comme les vérificateurs externes de l'entreprise) et il est important que les états financiers de l’entreprise soient vérifiés.

-     La fiscalité, ou comment éviter des surprises : Il peut être également important de discuter de l’impact fiscal de cette clause. En effet, quel sera le traitement fiscal du versement additionnel ? Les parties devraient étudier la question dès le départ avec leurs conseillers puisque la rédaction de la clause peut avoir un impact important sur son traitement fiscal.

-     Relations entre les Parties : Le vendeur pourrait aussi avoir avantage à demeurer actif dans l’entreprise afin de s’assurer que les efforts sont mis pour atteindre les objectifs en question. De son côté, l'acheteur peut parfois vouloir se servir de cette clause afin de garder le vendeur intéressé au succès de l’entreprise malgré la vente de ses intérêts. Mais reste à voir comment les deux pourront travailler ensemble. Il est alors important de prévoir les détails de cette cohabitation.

 

Conclusion

 

La clause earn-out peut donc être un outil très utile pour rapprocher des parties qui ne s’entendent pas sur le prix de vente d’une entreprise. Mais il faut faire attention : en voulant éviter un conflit, on pourrait plutôt le reporter à plus tard si on ne rédige pas avec soin les termes et conditions de cette clause. Il vaut donc mieux être bien conseillé par un avocat spécialiste en acquisitions et fusions.

 
1. Il s’agit ici d’une illustration et le lecteur ne devrait d’aucune façon se baser sur cet exemple pour rédiger une clause earn-out. Il est nécessaire de demander l’aide d’un avocat spécialisé.

François St-Arnaud, avocat
(450) 641-8861 poste 222